ben & mila

Ben ça a toujours été le petit préféré de Mila. Non pas que Mila n'aime pas les autres. Mais Ben, c'était celui juste en dessous d'elle et quand il a pointé le bout de son nez, alors qu'elle n'avait que trois ans, elle s'est promis de toujours veiller sur son petit frère. Elle était enfin la grande. Et lui, le poupon à protéger. Ils ont toujours eu une relation particulière, fusionnelle. Ben, c'était l'ange de Mila, c'était le parrain de son fils. C'était sa lumière quand elle allait mal. Mais quand le pire arriva, le sourire de Ben n'y pouvait rien. La douleur était trop grande, trop intense, rien n'arrivait à redonner le sourire à la jeune femme, alors elle avait fuit. En partant, elle s'était dit que ce serait l'affaire de quelques jours, de quelques semaines tout au plus. Elle ne pensait pas s'absenter si longtemps. Mais le travail, les relations amicales commencèrent à prendre place et les choses s'installèrent ainsi. Elle avait parfois sa mère, en cachette des autres, au téléphone. Son père encore plus rarement. Mais ses frères et soeurs, jamais. Parce qu'elle était partie. Parce qu'elle avait abandonné son rôle de grande-soeur. Parce que tout lui rappelait son fils, sa vie d'avant, son bonheur perdu. Mais quand, le téléphone avait sonné, avec la police à l'autre bout du fil, lui annonçant la mort de ses parents, elle n'a pas réfléchi une seconde, elle est retournée chez les siens. Bien sûr, les retrouvailles étaient tendues, gênées. La plus jeune n'avait plus rien d'une enfant. Ils avaient tous changé. Certains, avaient le visage fermé face à cette soeur devenue une étrangère. Ils n'étaient pas restés longtemps ensemble. Ils s'étaient rassemblés pour préparer les obsèques. Pourtant, Mila n'avait pas pu décrocher le regard de Ben. Son Ben. Qui se déplaçait en fauteuil roulant. Sur le coup, elle avait ressentit de la colère, pourquoi personne ne l'avait prévenue ? Mais, elle était restée paralysée par la honte et la surprise. C'est en rentrant dans sa chambre d'hôtel qu'elle décida de prendre son courage à deux mains. Elle avait envoyé un sms à son petit-frère pour l'inviter à la rejoindre dans un café en centre-ville. Elle ne savait pas si ce numéro était toujours d'actualité, il n'avait pas répondu, mais elle s'était rendue à l'heure et au lieu qu'elle lui avait indiqué, priant pour qu'il se montre. Priant, pour avoir le courage de demander pardon.

ben & mila

Mila, elle était nerveuse. Elle se tordait les doigts, elle jouait avec sa bague de fiançailles. Un tic qui trahissait sa nervosité. Elle passa à un troisième tic, celui de jouer avec son pendentif, la médaille de baptême d'Adam. C'était sans doute, l'ultime niveau de son trouillomètre. Ben, c'était son petit-frère, il ne pouvait pas l'éviter éternellement, mais elle avait réussi pendant dix ans, alors quelque part, elle savait qu'elle tentait juste de se rassurer. Elle n'avait plus aucune légitimité dans cette famille, elle le savait. Même si certains étaient plus mesurés que Ben, elle sentait bien, qu'elle en avait loupé des choses. Elle n'osa pas commander quoi que ce soit à boire. Elle ne voulait pas offenser Ben. Comme-ci le simple fait, qu'elle ne commence sans lui, était un terrible affront. Elle se passa une main dans les cheveux, viendra, viendra pas ? Elle regardait l'heure toutes les deux minutes, et comme un ange qui l'aurait poussé à le faire, elle tourna la tête et elle l'aperçu, là, dehors, qui l'observait. Elle n'osa pas lever la main pour lui faire un geste. Elle le regarda s'avancer à l'aide de son fauteuil, jusqu'à sa table. Ca lui fit comme un coup au coeur, en le voyant décaler une chaise, pour pouvoir s'y insérer avec son fauteuil. C'était donc bien réel, Ben était handicapé. Depuis quand ? Comment ? Tant de questions, qui restaient sans réponses. Tant de questions à lui poser, alors qu'elle ne s'y était pas intéressée. Tant de choses qu'elle n'avait plus le droit de demander. Elle plongea le regard dans celui de son petit-frère. Regard de Ben, si dur, di froid, si distant. Il lâcha enfin un mot. Son prénom. Comme-ci, c'était une étrangère. Dure réalité. Elle senti ses yeux s'emplir de larmes. Bonjour dit-elle enfin, difficilement. Alors qu'ils s'étaient déjà vus plus tôt dans la journée. Un silence s'installa. Mila avait du mal à contenir ses larmes. Ses yeux la piquaient, mais elle ne voulait pas ouvrir les vannes. Elle s'était interdit de pleurer pendant des années, alors, elle n'était pas certaine, de réussir un jour à s'arrêter de pleurer, si elle commençait. Son regard, était doux et elle peinait à supporter la colère dans ceux de son cadet. Elle se décida enfin à rompre le silence. Qu'est ce qu'il s'est passé ? C'était sorti plus vite qu'elle ne l'avait prévu. C'était clairement pas la première chose qu'elle aurait du dire, mais c'était finalement, la seule chose qui l'importait.

ben & mila

La jeune femme tentait de contenir ses émotions. Elle savait qu'elle avait perdu pas mal de ses droits en quittant la ville ce fameux soir de décembre. Elle se retint de cligner des yeux, quand il précisa la question de sa grande-soeur. Oui, depuis combien de temps était-il infirme, comment cela était-il arrivé ? Elle se retint à nouveau de réagir suite à la réponse. Ce n'était pas le moment d'être autocentrée sur elle-même. Fauchée par une voiture. C'était un peu l'histoire de sa vie. Archie, qui dix ans plus tôt s'était fait fauché lui-même par une voiture. Adam, qui avait succombé aux blessures provoquées par ce même chauffard. Non, ce n'était pas le moment de craquer, ni même d'y penser. Mais elle ne pouvait s'empêcher d'avoir le visage de son fils devant les yeux. Elle se racla la gorge. La tension était palpable, c'était encore pire que ce qu'elle avait imaginé. Avait-elle d'autre questions ? Avait-elle, simplement le droit d'en poser d'autres. D'accord. Elle ne savait pas quoi ajouter d'autre. Que pouvait-elle bien répondre à cela. Un silence pesant s'installa, un silence qui ne faisait qu'augmenter la pression. Elle décida finalement de rompre le silence. C'était quand ? Quitte à être là, autant faire la conversation. Elle s'attendait à ce qu'il s'énerve sur elle, qu'il déverse sa colère, mais après-tout elle le méritait. Elle ne pouvait s'empêcher de se demander pourquoi, personne n'avait jugé bon de la prévenir. Elle avait tout de même sa mère au téléphone de temps en temps, ça aurait été plus intéressant que la météo. Mais, il faut croire qu'elle s'est écartée de sa vie d'avant, mais qu'on voulait pas vraiment l'inviter à y revenir. C'était peut-être le fruit de son imagination. Mais c'était tout de même troublant, que personne ne l'aies prévenue. Elle ne pouvait pas dire, honnêtement, si elle serait revenue, mais au moins, elle aurait eu le choix. Elle comprenait clairement le point de vue de son frère, mais elle avait l'impression de subir la chose, d'un autre côté. C'était comme-ci, jamais personne, n'avait envisagé de se mettre à sa place cinq minutes.